top of page

Témoin : Rachel Provoost

 

                          Le témoin, Rachel Provoost-Titeca est née le 6 avril 1932 à Gistel, petite ville près d’Ostende. C’est là qu’elle rencontra et épousa Jacques Mauroy en 1957. Fille d’Emile Provoost et d’Emma Titeca.

 

                          La famille Provoost serait une des vieilles familles de Gistel et ce depuis 1620. Aîné d’une fratrie de sept enfants, Emile, est né en 1903 à Gistel où il fut ébéniste. Veuf d’Emma en 1938 et devant élever Rachel, 6 ans et Gilbert 1 an, il convola en secondes noces avec Bertha Tanghe. Le hasard fit que leur mariage eut lieu le jour de la déclaration de la seconde guerre mondiale. Emile y fut appelé comme gendarme réserviste. La première guerre écourta sa scolarité et il travailla dès ses 12 ans comme apprenti menuisier.

 

                          Quant à la mère de Rachel, Emma Titeca, celle-ci est née à Westkerke le 14 avril 1903 et décéda à Ostende en 1938. Emma était issue d’une famille de cinq enfants nés d’Eduardus Titeta (1857-1929) et d’Eugénie Taecke (1868-1913).

A noter, qu’il est d’usage au début du siècle de latiniser les prénoms en région flamande comme l’atteste l’arbre généalogique des Titeca.

Selon la tradition familiale, Eugénie serait morte de la grippe espagnole en 1913, ce qui obligea son mari à placer Emma, la cadette, au pensionnat Saint Joseph de Bruges. Ne s’y plaisant pas, père la plaça ensuite et ce jusqu’à la fin de la guerre à l’Institut Saint famille des Sœurs Maricoles, école professionnelle de demoiselles agréée de l’Etat, rue du Vieux Sac au numéro 34 à Bruges.

 

Voilà le peu connu par Rachel mais qui garda précieusement le rare courrier épars de sa mère Emma avec une de ses sÅ“urs, Maria, l’aînée native de 1891.  Ce sont ces 6 lettres et cartes que nous tenterons d’analyser dans la seconde  partie de nos témoignages.

 

                          Mais auparavant, il nous faut situer Maria Titeca.

Un de ses trois enfants encore parmi nous, Michel Rotsaert  fêtera prochainement ses nonante ans et fut interrogé par téléphone du fait de la distance. Il vit à Ostende, pratiquant quotidiennement le tennis et le golf, après une carrière dans les colonies et le poste de directeur de la TEA.

Michel déclare n’avoir aucun élément datant de la première guerre vécue par ses parents. Ceux-ci ayant fait silence total sur cette partie de leur vie. Les informations qu’il nous donne, il les a lui-même acquises par d’autres membres de la famille.

Sa maman, Maria Titeca se déplaçait fréquemment pendant la Grande Guerre entre la Belgique et les Pays-Bas. Dans une charrette tirée par un cheval, elle transportait des documents secrets vers le nord. Michel Rotsaert ne connait pas le nom du réseau pour lequel Maria travaillait. Arrêtée avec une amie par les Allemands et jugée pour espionnage, elle fut condamnée à deux ans d’emprisonnement dans un camp de concentration en Allemagne. Libérée en 1917, elle fut frappée d’ostracisme en Belgique. En passant par la Suisse, elle se réfugia ensuite en France, dans la ville de Rouen. C’est là qu’elle épousa son amour de jeunesse, Joseph Rotsaert. Pour se faire, il reçut une permission alors qu’il combattait sur le front.  Au sortir de la guerre, ils reprirent un café et son club de colombophilie à Gistel.

 

Rachel obtint un autre témoignage téléphonique de Laura Depuyt  et de sa cousine Eléonor Quatart habitant aujourd’hui la région d’Ostende mais originaire de Lampernisse près de Dixmude.  Malgré la loi Poullet du 19 mai 1914, la scolarité en septembre 1914 ne fut obligatoire que jusque 12 ans à la rentrée. Du fait de la déclaration de guerre le 4 août, les vacances furent quant à elles prolongées du 15 août au 1 octobre. Mais le 15 octobre, sur ordre allemand, des sÅ“urs et 165 enfants de dix ans furent évacués vers Orly dans un couvent abandonné et durent rester à Paris jusqu’en mai 1915. De nouveaux ordres allemands les obligèrent à rester jusqu’à la fin de la guerre. Plus de la moitié des enfants seraient morts du typhus et de la faim. Par la suite, de nombreux autres enfants furent encore évacués vers la France et notamment dans ce couvent réservé aux enfants d’Ypres et environs. Malheureusement, les noms exacts de l’école, du lieu d’accueil préparé pour les enfants ne sont plus connus. Cette cousine évoque aussi la peur des gaz, une nourriture peu avenante pendant l’exode et durant cette vie française. Elle relate également la sévérité avec laquelle on exigea aux enfants de parler français et un sentiment d’ostracisme.

A leur retour, les adolescents de plus de 12 ans se mirent au travail pour aider les parents à subvenir aux besoins. Ce fut notamment le cas du père de Rachel. Celui-ci tenta de tricher sur son âge dans les derniers mois de la guerre pour se faire enrôler, mais en vain. Son meilleur ami s’engagea dès ses 18 ans. Je me souviens avoir entendu mon grand-père déclarer que son ami n’eut plus jamais une nuit de sommeil « normale Â» jusqu’à son dernier jour tant il revivait ce qu’il avait subi sur le front.

On peut dès lors comprendre le mutisme de Joseph Rotsaert et de Maria  Titeca à l’égard de leurs enfants.

   

                                                                                        

bottom of page